Petit Alföld (Kisalföld, Hongrie) et bas-pays du Danube (Podunajská nízina, Slovaquie)
Capitale:
? (Bratislava)
Boïens - Peuple celte de Pannonie, leur nom s'explique par le gaulois boios qui signifie "frappeur / terrible / actif / vivace" (bogio- / boio- , "briser / pourfendre / frapper"). Pline indique que les villes romaines de Sabaria (Szombathely, Hongrie) et Scarabantia Iulia (Sopron, Hongrie) furent construites sur leur territoire et que celui-ci était bordé par le lac Peiso (lac Balaton, Hongrie) (Histoire naturelle, III, 146). Nous savons également par Strabon que leur territoire se prolongeait au moins jusqu'au Danube (Géographie, V, 1, 6). Le territoire des Boïens correspondait donc au petit Alföld (Kisalföld, Hongrie) et se prolongeait certainement sur la rive gauche du Danube, dans le bas-pays du Danube (Podunajská nízina, Slovaquie), puisqu'on leur attribue classiquement pour capitale l'oppidum de Bratislava (Slovaquie).
Entre 60 et 59 av. J.-C., les Boïens dirigés par Critasiros, et les Taurisques, leurs alliés, furent vaincus par les Daces de Burebista (Strabon, Géographie, V, 1, 6 ; VII, 3, 11 ; 5, 2). Le chaos engendré par cette défaite mit sur les routes de nombreux Boïens, qui se retournèrent contre le royaume du Norique), prirent leur capitale Noreia et occupèrent leur territoire (César, Guerre des Gaules, I, 5). Depuis le royaume du Norique, certains Boïens vinrent se joindre aux Helvètes et à leur projet de migration dans l'ouest de la Gaule (César, Guerre des Gaules, I, 5). De l'avis de Strabon (Géographie, VII, 3, 11 ; 5, 2), les Daces anéantirent les Boïens, lesquels ne laissèrent derrière eux que ce qu'il nomme le Βοίων ἐρημία, et Plinedeserta Boiorum, le "désert des Boïens" (Histoire naturelle, III, 146). Cette notion de "désert" était bien relative, puisque le territoire des Boïens ne cessa pas d'être peuplé, et qu'ils continuèrent à constituer une entité politique, largement attestée.
La présence romaine est devenue manifeste lorsqu'en 6 ap. J.-C., en vue d'attaquer les Marcomans de Maroboduus, Tibère établit son camp de base à Carnuntum (Petronell-Carnuntum) (Velleius Paterculus, Histoireromaine, II, 109). Cette portion du territoire des Boïens était particulièrement stratégique, puisque Carnuntum se situait le long de la route de l'ambre, au niveau du principal franchissement du Danube. La guerre qui s'annonçait n'eut finalement pas lieu, puisque Tibère fut contraint de quitter précipitamment le territoire boïen, pour tenter d'éteindre la grande révolte des Illyriens (6-9 ap. J.-C.), mais Carnuntum ne demeura pas inoccupée bien longtemps. En effet, après le désastre de la forêt de Teutoburg (9 apr. J.-C.), la légion XV Apollinaris fut successivement transférée à Emona (Ljubljana), en 9 apr. J.-C., puis à Carnuntum. Cette dernière localité devint une forteresse légionnaire et, rapidement, une agglomération civile s'y développa.
Les Boïens intégrèrent l'Empire sous un statut de cité pérégrine, et dirigés par un princeps ou des principes. Ainsi, sur le diplôme militaire du centurion Velagenus, daté de 71 ap. J.-C., deux des témoins mentionnés portent le titre de PRINC(IPIS) BOIOR(VM) "prince des Boïens" : Caledo, fils de Sammo et Cobromarus, fils de Tosia (AE 2002, 1771 ; 2004, 89 ; 2007, 93 ; 2008, 1711 ; 2011, 51). Au-dessus de ce chef local, un préfet romain portant le titre de PRAEF(ECTO) RIPAE DANVVI(I) ET CIVITATIVM DVAR(VM) BOIOR(VM) ET AZALIOR(VM) "préfet des rives du Danube et des deux cités des Boïens et des Azales" (CIL 09, 5363). D'après cette titulature, uniquement attesté sur l'inscription funéraire de Lucius Volcacius Primus (65 à 80 ap. J.-C.), ce préfet administrait de concert, les cités des Boïens et des Azales, mais également le système de défenses que les Romains avaient organisés le long du Danube. A mesure que la romanisation s'effectuait, les Boïens eurent à leur tête un préfet, très certainement issu de l'élite locale romanisée. Ainsi, sur l'inscription funéraire de Cocceia Dagovassa découverte à Bruckneudorf et datée de 100-130 ap. J.-C., Marcus Cocceius Caupianus, revendique avoir occupé la fonction de PR(INCEPS) C(IVITATIS) B(OIORVM) "prince de la cité des Boïens" (AE 1951, 64 ; 1999, 1251).
La romanisation ne s'effectua pas de manière uniforme sur le vaste territoire peuplé par les Boïens. Celle-ci s'effectua à partir de deux axes structurants : la route de l'ambre et la rive droite du Danube. Les principales localités boïennes bordant la route de l'ambre, furent romanisées les premières. Ainsi, au cours du règne de Claude (41-54 ap. J.-C.), la colonie Claudia Augusta des Savarienses y fut déduite, et peut-être aussi la ville de Scarabantia Iulia (Sopron) (Pline, Histoire naturelle, III, 27). La romanisation de la rive droite du Danube fut favorisée par la progressive constitution du limes de Pannonie, entre le milieu du Ier s. et la première moitié du IIe s. ap. J.-C. Plusieurs forteresses virent se développer des canabae, voire de véritables agglomérations civiles, indépendantes du camp romain. Ce fut notamment le cas pour les plus importantes d'entre elles installées sur le territoire des Boïens, les forteresses-légionnaires de Carnuntum (Petronell-Carnuntum) et Vindobona (Vienne).
A mesure où la romanisation s'effectuait, et où les différentes communautés pérégrines ont calqué leurs institutions sur celles des Romains, différentes cités ont été déduites de celle des Boïens, à la suite de la colonie Claudia des Savarienses (41-54 ap. J.-C.) :
les municipes Aelium des Carnuntenses et Aelium des Mogentianenses, sous le règne de l'empereur Hadrien (117-138 ap. J.-C.)
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la date de la création des municipes des Mursellenses et des Vindobonenses, est plus difficile à établir. Selon toute vraisemblance, elle se fit sous le règne de l'empereur Hadrien (117-138 ap. J.-C.), ou sous celui de l'empereur Caracalla (211-217 ap. J.-C.).
Strabon, Géographie, V, 1, 6 :"Les Boiens, à leur tour, s'étant vu chasser par les Romains de leurs demeures, se transportèrent dans la vallée de l'Ister ; ils vécurent là mêlés aux Taurisques et en lutte perpétuelle avec les Daces jusqu'à ce que ceux-ci les eussent exterminés, et les terres qu'ils occupaient et qui faisaient partie de l'Illyrie se trouvèrent alors abandonnées comme de vagues pâturages aux troupeaux des nations voisines."
Strabon, Géographie, VII, 3, 11 :"Déjà même les Romains commençaient à s'inquiéter, l'ayant vu franchir audacieusement l'Ister, pousser ses courses, par delà la Thrace, jusqu'à la Macédoine et à l'Illyrie, ruiner toutes les tribus celtiques qui vivent mêlées aux Illyriens et aux Thraces et exterminer, qui plus est, les Boïens de Critasiros et la nation des Taurisques."
Strabon, Géographie, VII, 5, 2 :"Une partie de cette première région est demeurée toute dévastée à la suite de la guerre dans laquelle les Daces exterminèrent les Boïens et les Taurisques, nations celtiques, alors gouvernées par Critasiros. Les Daces revendiquaient ce pays comme leur appartenant, bien qu'ils en fussent séparés par le cours du Pathissus, rivière qui descend des montagnes et va se jeter dans l'Ister chez les Gaulois Scordisques. Ce peuple, en effet, comme les Boïens et les Taurisques, s'est établi dès longtemps au milieu des populations illyriennes et thraces ; mais, tandis que les Daces ont exterminé ses frères, il a, lui, souvent combattu pour la cause des Daces."
Pline, Histoire naturelle, III, 146 :"Le pays des Noriques est limitrophe du lac Peiso et des déserts des Boïens ; cependant ces déserts ont déjà reçu Sabaria, colonie du dieu Claude, et la ville de Scarabantia Julia."
Inscription de Bruckneudorf (AE 1951, 64 ; 1999, 1251) M(ARCVS) COCCEIVS CAVPIANVS PR(INCEPS) C(IVITATIS) B(OIORVM) V[IVVS) F(ECIT) SIBI ET COCCEIAE DAGOVASSAE CONIVGI ANNO[R]VM LV
"Marcus Cocceius Caupianus, prince de la cité des Boïens, a fait (ce monument) de son vivant, pour lui-même et Cocceia Dagovassa, son épouse, âgée de 55 ans."
Inscription de Fermo (CIL 09, 5363) L(VCIO) VOLCACIO Q(VINTI) F(ILIO) / VEL(INA) PRIMO / PRAEF(ECTO) COH(ORTIS) I NORICOR(VM) / IN PANN(ONIA) PRAEF(ECTO) RIPAE / DANVVI(I) ET CIVITATIVM / DVAR(VM) BOIOR(VM) ET AZALIOR(VM) / TRIB(VNO) MILIT(VM) LEG(IONIS) V / MACEDONICAE IN / MOESIA PRAEF(ECTO) ALAE I / PANNONIOR(VM) IN AFRICA / IIVIRO QVINQ(VENNALI) / FLAMINI DIVORVM / OMNIVM P(ATRONO) C(OLONIAE) / EX TESTAMENTO EIVS / POSITA / M(ARCO) ACCIO SENECA / [3] MANLIO PLANTA / IIVIR(IS) QVINQ(VENNALIBVS) / L(OCVS) DAT(VS) DEC(RETO) DEC(VRIONVM)
"Lucius Volcacius Primus, (de la tribu) Velina, fils de Quintus, préfet de la cohorte I Noricum en Pannonie, préfet des rives du Danube et des deux cités des Boïens et des Azales, tribun militaire de la légion V Macedonica en Mésie, préfet de l'aile I Pannonicorum en Afrique, duumvir quinquennal, flamine de tous les divi, patron de la colonie (de Firmum Picenum), (sa tombe a été) disposée conformément à son testament par Marcus Accius Seneca (et) [...] Manlius Planta, duumivirs quiquennaux, (en ce) lieu donné par décret des décurions."
Diplôme militaire d'origine inconnue (AE 2002, 1771 ; AE 2004, 89 ; 2007, 93 ; 2008, 1711 ; 2011, 51) IMP(ERATOR) CAESAR VESPASIANVS AVGVSTVS PONT(IFEX) MAX(IMVS) TRIB(VNICIA) POTEST(ATE) II IMP(ERATOR) VI P(ATER) P(ATRIAE) CO(NSVL) III DESIGN(ATVS) IIII NAVARCHIS ET TRIERARCHIS ET REMIGIBVS QVI MILITAVERVNT IN CLASSE RAVENNATE SVB SEX(TO) LVCILIO BASSO ET ANTE EMERITA STIPENDIA QVOD SE IN EXPEDITIONE BELLI FORTITER INDVSTRIEQVE GESSERANT EXAVCTORATI SVNT ET DEDVCTI IN PANNONIAM QVORVM NOMINA SVBSCRIPTA SVNT IPSIS LIBERIS POSTERISQVE EORVM CIVITATEM DEDIT ET CONVBIVM CVM VXORIBVS QVAS TVNC HABVISSENT CVM EST CIVITAS I(I)S DATA AVT SI QVI CAELIBES ESSENT CVM IIS QVAS POSTEA DVXISSENT DVMTAXAT SINGVL(I) SINGVLAS NONIS APRIL(IBVS) CAESARE AVG(VSTI) F(ILIO) DOMITIANO CN(AEO) PEDIO CASCO CO(N)S(VLIBVS) Ɔ(ENTVRIONI) VELAGENO COVIONIS F(ILIO) ERAVISCO DESCRIPTVM ET RECOGNITVM EX TABVLA AENEA QVAE FIXA EST ROMAE IN CAPITOLIO IN PODIO ARAE GENTIS IVLIAE PARTE SINIST(ER)IORE EXTRI(N)SECVS // T(ITI) FLAVI SERENI PRINC(IPIS) IASIO(RVM) LICCONIS DAVI F(ILII) PRINC(IPIS) BREVCOR(VM) CALEDONIS SAMMONIS F(ILII) PRINC(IPIS) BOIOR(VM) COBROMARI TOSIAE F(ILII) PRINC(IPIS) BOIORV<M=XA> BREVCI ISTICANI F(ILII) PRINC(IPIS) ANTIZIT(IVM) C(AI) VALERIA(NI) NIGRI MIL(ITIS) COH(ORTIS) XIII VRB(ANAE) L(VCI) LICINI AQVILAE <V=N>ET(ERANORVM?) CVR(ATORIS?) // IMP(ERATOR) CAESAR VESPASIANVS AVGVSTVS PONT(IFEX) MAX(IMVS) TRIB(VNICIA) POTEST(ATE) II IMP(ERATOR) VI P(ATER) P(ATRIAE) CO(NSVL) III DESIGN(ATVS) IIII NAVARCHIS ET TRIERARCHIS ET REMIGIBVS QVI MILITAVERVNT IN CLASSE RAVENNATE SVB SEX(TO) LVCILIO BASSO ET ANTE EMERITA STIPENDIA QVOD SE IN EXPEDITIONE BELLI FORTITER INDVSTRIEQVE GESSERANT EXAVCTORATI SVNT ET DEDVCTI IN PANNO/NIAM QVORVM NOMINA SVBSCRIPTA SVNT IPSIS LIBERIS POSTERISQVE EORVM CIVITATEM DEDIT ET CONVBIVM CVM // VXORIBVS QVAS TVNC HABVISSENT CVM EST CIVITAS IIS DATA AVT SI QVI CAELIBES ESSE(N)T CVM IIS QVAS POSTEA DVXISSENT DVMTAXAT SINGVLI SINGVLAS NONIS APRIL(IBVS) CAESARE AVG(VSTI) F(ILIO) DOMITIANO CN(AEO) PEDIO CASCO CO(N)S(VLIBVS) Ɔ(ENTVRIONI) VELAGENO COVIONIS F(ILIO) ERAVISCO DESCRIPTVM ET RECOGNITVM EX TABVLA AENEA QVAE FIXA EST ROMAE IN CAPITOLIO IN PODIO ARAE GENTIS IVLIAE PARTE SINISTERIORE EXTRI(N)SEC(VS)
"L'empereur César (Titus Flavius) Vespasianus, Auguste, grand pontife, revêtu à 2 reprises du pouvoir tribunicien, 6 fois impérator, père de la patrie, 3 fois consul, 4 fois désigné. Aux navarques, triérarques et rameurs qui ont servi dans la flotte de Ravenna, sous (le commandement de) Sextus Licilius Bassus, qui ont été congédiés avant-terme après avoir servi courageusement et industrieusement à la guerre et se sont vus accorder des terres en Pannonie, dont les noms sont mentionnés ci-dessous, (l'empereur) a donné la citoyenneté romaine à eux mêmes, à leurs enfants et à leurs descendants, et le droit au mariage avec les épouses qu'ils auraient au moment où leur fut donnée la citoyenneté, ou pour celles qu'ils prendraient par la suite, pourvu que chacun n'en ait qu'une. Aux nones d'Aprilis, César fils d'Auguste (Titus Flavius) Domitianus et Cnaeus Pedius Cascus, consuls. Au centurion Velagenus fils de Covio, éravisque. Copié et vérifié de la tablette de bronze qui est fixée à Rome, au Capitole, sur le soubassement de l'autel de la gensIulia, dans la partie gauche, à l'extérieur. (Témoins :) Titus Flavius Serenus, prince des Iases, Licco fils de Davus, prince des Breuces, Caledo fils de Sammo, prince des Boïens, Cobromarus fils de Tosia, prince des Boïens, Breucus fils de Isticanus, prince des Antizètes, Caius Valerianus Nigrus, militaire dans la cohorte XIII Urbanae, Lucius Licinus Aquilae, (vétéran curateur ?) L'empereur César (Titus Flavius) Vespasianus, Auguste, grand pontife, revêtu à 2 reprises du pouvoir tribunicien, 6 fois impérator, père de la patrie, 3 fois consul, 4 fois désigné. Aux navarques, triérarques et rameurs qui ont servi dans la flotte de Ravenna, sous (le commandement de) Sextus Licilius Bassus, qui ont été congédiés avant-terme après avoir servi courageusement et industrieusement à la guerre et se sont vus accorder des terres en Pannonie, dont les noms sont mentionnés ci-dessous, (l'empereur) a donné la citoyenneté romaine à eux mêmes, à leurs enfants et à leurs descendants, et le droit au mariage avec les ... ... les épouses qu'ils auraient au moment où leur fut donnée la citoyenneté, ou pour celles qu'ils prendraient par la suite, pourvu que chacun n'en ait qu'une. Aux nones d'Aprilis, César fils d'Auguste (Titus Flavius) Domitianus et Cnaeus Pedius Cascus, consuls. Au centurion Velagenus fils de Covio, éravisque. Copié et vérifié de la tablette de bronze qui est fixée à Rome, au Capitole, sur le soubassement de l'autel de la gensIulia, dans la partie gauche, à l'extérieur."
Sources
• Kruta V., (1969) - "Les Celtes sur le territoire tchécoslovaque", Rapport sur les conférences 1968-1969, École pratique des hautes études. 4e section, Sciences historiques et philologiques, Paris, pp.221-227
• V. Kruta, (2000) - Les Celtes - Histoire et dictionnaire, Laffont, Paris, 1020p. • Pierre Crombet pour l'Arbre Celtique
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique